samedi 21 mars 2009

Sacerdoce des fidèles et sacerdoce ministériel


La thèse selon laquelle la perfection de l'Alliance Nouvelle scellée dans le sang de Jésus-Christ rendrait caduque la nécessité d'un sacerdoce ordonné et spécialisé - du fait du sacerdoce universel des croyants - ne me semble pas résister à un examen attentif et minutieux des Ecritures (sans même parler de la Tradition et de l'histoire de l'Eglise primitive....).

1 Pierre II, 5, 9 : "(...) et, vous-mêmes comme des pierres vivantes, entrez dans la structure de l'édifice, pour former un temple spirituel, un sacerdoce saint, afin d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus-Christ. [...] Mais vous, vous êtes une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s'est acquis afin que vous annonciez les perfections de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière (...)".

Ce passage du prince des apôtres semble très clair : il y affirme sans ambiguïté le sacerdoce universel des croyants. Faut-t-il en déduire de facto le caractère désormais obsolète du sacerdoce ordonné et spécialisé ? - Rien n'est moins sûr.

Il faut d'abord rappeler que les formules employées par S. Pierre ne constituent pas en soi une nouveauté. Le peuple de l'Ancienne Alliance, Israël, était déjà un peuple saint et consacré : "vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte" (Ex. XIX, 6 ; cf. aussi Is. LXI, 6). Pourtant, ce sacerdoce commun du peuple juif n'abolissait pas pour autant le besoin d'un sacerdoce spécialisé, bien au contraire, puisque Dieu jugea bon de ne confier le ministère sacré qu'à une seule des douze tribus, celle de Lévi (Nb. I, 48-53).

Ce cas de figure est-t-il rendu inopérant par la perfection de l'Alliance Nouvelle en Jésus-Christ ? On pourrait a priori le penser. Un examen plus approfondi des sources scripturaires nous prouvera cependant qu'il n'en est rien.

L'apôtre Pierre, celui-là même qui affirme avec tant de force le sacerdoce universel des chrétiens, n'en affirme pas moins dans la même épître : "J'exhorte les anciens qui sont parmi vous, moi ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ, et qui prendrai part avec eux à la gloire qui doit être manifestée : paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré ; non dans un intérêt sordide, mais par dévouement ; non en dominateurs des Églises, mais en devenant les modèles du troupeau." (1 Pierre V, 1-3). On voit clairement ici se manifester au sein du peuple de Dieu une hiérarchie ecclésiastique : les anciens (presbyteroi) sont chargés de paître le troupeau des fidèles. Comme je l'ai déjà souligné, cette image tirée du pastoralisme est en elle-même très significative...

Il est donc évident pour S. Pierre que le sacerdoce universel des fidèles ne s'oppose nullement à la nécessité d'un sacerdoce spécialisé (ordonné au peuple de Dieu) capable de diriger l'Eglise.

Autre exemple.

Jérémie, XXXI, 31-34 : "Des jours viennent, dit Jéhovah, où je ferai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle, non comme l'alliance que je conclus avec leurs pères le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d'Egypte, alliance qu'eux ont rompue, quoique je fusse leur époux. Car voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après ces jours-là, dit Jéhovah : Je mettrai ma loi au dedans d'eux et je l'écrirai sur leur cœur, et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Un homme n'enseignera plus son prochain, ni un homme son frère, en disant: "Connaissez Jéhovah !" car ils me connaîtront tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, dit Jéhovah ; car je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché."

"Un homme n'enseignera plus son prochain, ni un homme son frère, en disant: "Connaissez Jéhovah !" car ils me connaîtront tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand (...)". Alors, égalité absolue des croyants ? Fin du sacerdoce des prêtres ? Difficile à croire ! - L'auteur de l'Epître aux Hébreux, qui cite pourtant dans son intégralité ce passage de Jérémie (cf. Heb. VIII, 8-12), n'en écrit pas moins à la fin de sa lettre : "Obéissez à ceux qui vous conduisent, et ayez pour eux de la déférence, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte" (XIII, 17). Ce terme de "conducteurs", plusieurs fois employé, est lui aussi très significatif, vous en conviendrez ! - S. Paul, en divers endroits de ses épîtres, insiste sur l'autorité et le rôle des différents ministres. En Rom. X, 14-17, par exemple, il affirme la nécessité des prédicateurs ; en Eph. IV, 11 s., il est encore plus explicite, énumérant les différents ministères et affirmant leur utilité. C'est que S. Paul se fait une haute idée du ministère sacrée. Il qualifie les pasteurs de "dispensateurs des mystères de Dieu" (1 Cor. IV, 1). Lui-même n'hésite pas à sévir et à faire montre d'autorité : "Que voulez-vous ? Que j'aille chez vous avec la verge, ou avec amour et dans un esprit de douceur ?" (1 Cor IV, 21) ; il excommunie sans hésitation un incestueux qui souillait par sa présence l'Eglise de Corinthe (1 Cor. V, 4-5), cette Eglise de Corinthe qu'il a lui-même engendré dans le Christ, selon sa belle expression (IV, 15).

Ce sacerdoce ne fait pas des ministres de simples délégués des différentes communautés chrétiennes : les pasteurs reçoivent leur mandat de Dieu par les apôtres. J'ai déjà mentionné le rôle de l'imposition des mains, tel qu'il est développé par S. Paul dans ses deux lettres à Timothée (voir mon précédent message). Le cas des sept diacres de Jérusalem ordonnés par les apôtres est encore plus explicite (cf. Actes VI, 2-6).

Comment donc concilier le sacerdoce universel des croyants, très clairement établi, et le ministère particulier des différents ministres, tout aussi clairement attesté ? - Je cite l'explication que nous donne le catéchisme du concile de Trente, explication qui, au vue de ce que l'on vient de voir précédemment, me semble tout à fait recevable : "(...) Lorsqu’on dit des Fidèles purifiés par l’eau du Baptême qu’ils sont prêtres, c’est d’un Sacerdoce intérieur que l’on veut parler. Dans le même ordre d’idées, tous les justes sont prêtres, qui ont l’esprit de Dieu en eux, et qui sont devenus par un bienfait de la Grâce, membres vivants du souverain Prêtre qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. En effet, ils immolent à Dieu, sur l’autel de leur cœur, des hosties spirituelles, toutes les fois que, éclairés par la Foi et enflammés par la Charité, ils font des œuvres bonnes et honnêtes qu’ils rapportent à la gloire de Dieu. (...) Quant au Sacerdoce extérieur, il n’appartient point à tous les Fidèles, mais seulement à certains hommes qui ont reçu l’imposition des mains d’une manière légitime ; qui ont été ordonnés et consacrés à Dieu avec les Cérémonies solennelles de la Sainte Eglise, et qui, par le fait, se trouvent dévoués à un ministère sacré, et d’une nature toute particulière".

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